Les députés ont adopté deux textes sur la fin de vie qui marquent une rupture. Le premier renforce les soins palliatifs, tandis que le second crée un nouveau droit: une « aide à mourir ». Que prévoient ces deux textes? On fait le point.
Deux textes de loi complémentaires pour un changement d’ampleur pour la société française. Mardi, les députés ont adopté deux propositions de loi, l’une sur les soins palliatifs et l’autre relative au « droit à l’aide à mourir ». Une première étape avant le long parcours législatif qui marque une rupture. Après bien des débats, que prévoient ces deux textes de loi? Qu’est-ce que cela pourrait changer pour les Français?
Que prévoit le texte sur les soins palliatifs?
Le premier texte voté à l’unanimité vise à améliorer l’accès aux soins palliatifs, aujourd’hui absents dans encore 19 départements français. En réalité, le texte crée des « soins d’accompagnement » plus larges que les soins palliatifs, avec notamment une prise en charge nutritionnelle, un accompagnement psychologique, la musicothérapie, les massages…
Nouveauté également: le texte prévoit la création d’une nouvelle catégorie d’établissement médico-social: les « maisons d’accompagnement » . Ces structures intermédiaires entre le domicile et l’hôpital accueilleront et accompagneront les personnes en fin de vie et leur entourage. Elles seront financées par l’Assurance maladie et par un forfait journalier à la charge des personnes accueillies.
Les députés ont approuvé la création d’un « droit opposable » aux soins palliatifs. C’est-à-dire qu’un malade demandant de bénéficier de soins palliatifs et qui ne les reçoit pas pourra saisir la justice pour ordonner sa prise en charge en urgence.

Qui pourra demander une "aide à mourir"?
Le deuxième texte, porté par le député Modem Olivier Falorni, a été voté par 305 députés (contre 199) sur 504 présents. Il crée un nouveau « droit à l’aide à mourir » à la française, qui regroupe à la fois ce qu’on appelle ailleurs suicide assisté et euthanasie.
Qui pourra demander cette aide à mourir? Les personnes devront répondre à ces 5 critères, cumulatifs:
- Le patient doit être français ou résident stable
- Majeur
- Atteint « d’une affection grave et incurable » qui « engage le pronostic vital, en « phase avancée » ou « terminale ». Ces termes ont fait l’objet de nombreux débats pendant l’examen du texte. Tenant compte d’un avis de la Haute Autorité de Santé, le texte affirme désormais que la phase « avancée » d’une maladie se caractérise par « l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie ».
- Présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsqu’elle a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement
- Être apte « à manifester sa volonté de façon libre et éclairée »
Point crucial: le gouvernement a fait adopter un amendement, refaisant de l’auto-administration de la substance létale la règle (donc le suicide assisté). En clair, le patient recevra le produit létal, mais ce sera à lui de se l’administrer et non aux soignants. Avec une exception: il sera possible qu’un médecin ou un infirmier le fasse, lorsque le patient « n’est pas en mesure physiquement d’y procéder ».
Comment se déroulera cette "aide à mourir"?
Un patient qui souhaiterait accéder à une aide à mourir pourra en faire la demande à un médecin. Celui-ci ne peut être ni son parent, ni son allié, ni son conjoint, ni son concubin, ni son partenaire de pacs ou son ayant droit et il ne peut pas être sollicité par téléconsultation. Ce médecin devra prendre la décision en collégialité, c’est-à-dire avec un autre médecin spécialiste de la pathologie et un soignant. C’est au premier médecin, sollicité par le patient, de vérifier que ce dernier rentre dans les critères d’éligibilité et de rendre une décision dans les quinze jours maximum.
Détail important: toute demande sera assortie d’un délai minimum de deux jours pour que le malade confirme sa décision. Concrètement, un patient qui aura obtenu le feu vert du collège de soignants devra répéter son souhait 48h après pour obtenir le produit létal. Le patient peut renoncer à tout moment à cette décision.
Lors du suicide assisté, le patient est accompagné d’un médecin ou d’un infirmier et choisit la date, le lieu et les personnes qui seront à ses côtés.
Quels seront les droits et devoirs de soignants par rapport à ce "droit à mourir"?
Ce débat a suscité beaucoup de craintes du côté de certains soignants, attachés à ce que ce nouveau droit ne soit pas considéré comme un soin. Comme pour l’IVG, les soignants pourront faire jouer leur « clause de conscience » s’ils refusent d’exécuter le geste.
Le texte prévoit aussi un délit d’entrave à l’aide à mourir, similaire à celui concernant l’Interruption volontaire de grossesse (IVG). Toute personne (pas seulement les soignants) qui tentera d’empêcher de « pratiquer ou de s’informer » sur l’aide à mourir risquerait deux ans de prison et 30 000 euros d’amende, même peine que celle concernant l’IVG.
Quand ces deux textes pourraient-ils être définitivement adoptés?
Ce vote à l’Assemblée n’est qu’une première étape avant la navette parlementaire. Est-ce que le droit à l’aide à mourir deviendra réalité pour les patients avant la fin du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron? Dans un entretien à La Tribune Dimanche, Catherine Vautrin, ministre de la Santé, a dit espérer que ce texte soit examiné au Sénat cet automne, avec un retour à l’Assemblée nationale début 2026. « Je souhaite que le texte soit voté d’ici à 2027, c’est encore possible », a dit la ministre.
Source : Notre temps